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Eden Hazard : une PME multinationale

Thomas Bricmont

Malgré sa volonté de protéger sa vie privée le plus possible, le joyau des Diables et de Chelsea est un produit sportif de luxe combiné à une marque de plus en plus forte et mondialisée. Analyse de l’entreprise  » Eden Hazard « .

Lundi 24 septembre. Le Royal Festival Hall de Londres accueille la grand-messe annuelle de la FIFA. Sur le tapis rouge, les plus grandes stars de la planète foot défilent. Luka Modric, Kylian Mbappé, Dani Alves, Sergio Ramos, Thibaut Courtois, N’Golo Kante sont présents. Seuls Cristiano Ronaldo et Lionel Messi manquent à l’appel.

Eden Hazard : une PME multinationale

En régional de l’étape, Eden Hazard, dans un smoking bordeaux du plus bel effet, s’amuse devant les flashs des photographes. Quelques heures plus tard, Eden quitte la scène après avoir été consacré 7e meilleur joueur FIFA 2018 et intégré le onze type de l’année.

Ce statut de joueur-star, le démiurge de Braine-le-Comte l’a renforcé grâce à un été vertigineux qu’il a eu le bon goût de prolonger sous la vareuse des Blues. Aujourd’hui, la cote sportive d’Eden Hazard n’a jamais semblé aussi forte. Mais qu’en est-il de sa valeur commerciale et marketing ?

Pour se faire une idée plus précise, nous nous nous rendons le lendemain dans la banlieue lilloise, à Wambrechies, dans les bureaux d’AV team Conseil et AV team Premium.

L’endroit est loin d’être tape-à-l’oeil. Il n’a rien de comparable avec les grosses entreprises de management de joueurs ou de gestion d’image qui fourmillent de l’autre côté de la Manche.

Ici, ce sont Marie Armand et Vincent Vlieghe, les propriétaires des lieux, qui nous accueillent au sein de cette  » PME Eden Hazard « . Car si la formule se veut quelque peu imagée, la très grande partie de leur vie professionnelle tourne autour du numéro 10 de Chelsea. Et l’histoire ne date pas d’hier.

Mise en place en 2007

 » On était là quand il n’était pas encore ce qu’il est aujourd’hui « , explique Marie Armand.  » Et c’est ce qu’il lui plaît. Il sait qu’on est là, non pas parce qu’il est Eden Hazard mais parce qu’on était là il y a dix ans. S’il n’avait pas été un des plus grands joueurs du monde, on serait toujours là.  »

Vincent Vlieghe se souvient comme si c’était hier de cette soirée de juin 2007 où il s’est rendu pour la première fois dans la famille Hazard. Six mois plus tôt, il avait expliqué aux jeunes joueurs du Centre de formation de Lille comment ils devraient gérer leur argent à l’avenir.

Eden venait de briller avec la Belgique aux championnats d’Europe U17 et il était devenu un des plus jeunes joueurs d’Europe à signer un contrat professionnel de trois ans à Lille.

Thierry et Carine, ses parents, avaient donc invité l’expert financier à venir conseiller leur fils.  » Eden m’a tout de suite fait bonne impression. Il était calme, à l’écoute, mûr et confiant dans ses qualités. Son talent était indéniable mais je n’aurais tout de même jamais imaginé qu’il allait devenir la vedette qu’il est aujourd’hui « , raconte Vincent Vlieghe.

Cette année-là, il entamait sa collaboration avec Marie Armand. Quatre ans plus tard, en 2011, le duo allait fonder AV Team Conseil, une société spécialisée dans la gestion de patrimoine avant de lancer en parallèle AVT team premium, qui gère l’intégralité des activités commerciales, marketing, réseaux sociaux, sportives, dédiées à la plus grande étoile du football belge.

Un influenceur de premier ordre

Car les joueurs stars du foot international sont devenus des marques, et des médias à part entière. L’une des recettes : soigner des statistiques numériques pour transformer les réseaux sociaux en terme de business. Aujourd’hui, un tiers des revenus des trois joueurs les plus bankable de la planète, Cristiano-Neymar-Messi, sont générés par leurs revenus marketing et sponsoring. Et les réseaux sociaux sont devenus leur terrain de jeu préféré.

Exemple de cette force de frappe : l’étude du bureau Blinkfire qui a calculé la valeur de tous les posts de janvier dernier de Neymar et qui est arrivé à la conclusion que pour qu’une publicité traditionnelle arrive au même niveau d’exposition, elle devrait dépenser un total 34 millions d’euros.

Avec 16,5 millions de followers sur instagram (devenu le réseau social le plus influent commercialement), la marque Eden Hazard n’est pas à plaindre même si elle ne boxe pas dans la même catégorie que les trois leaders du marché précité.

D’ailleurs, cet été, au lendemain de l’exceptionnel exploit face au Brésil, le capitaine des Diables nous avait confié  » être médiatiquement moins bon qu’eux « . Parce que tu joues pour un petit pays ?  » Peut-être. Je crois que si j’étais Brésilien, ce serait différent. Mas je suis très content d’être Belge, je ne changerais pas de nationalité pour ça.  »

Marie Armand en est parfaitement consciente :  » Malgré des chiffres exceptionnels, sa marge de manoeuvre sera toujours limitée par le fait d’être belge car il n’a pas le marché brésilien, voire le marché français derrière lui.  »

La cote sur le marché asiatique

Sous contrat chez Nike depuis ses débuts ou presque, Eden Hazard est cependant une figure internationale qui pèse de plus en plus lourd. Il est l’un des récents étendards, aux cotés de Mesut Özil ou Harry Kane, de la célèbre marque Beats.

Le constructeur automobile japonais, Nissan, partenaire de la Ligue des Champions pour laquelle Chelsea a eu le mauvais goût de ne pas se qualifier cette saison, s’est aussi greffée au prodige belge.

Tout comme le réseau social chinois, Sina Weibo, qui publiait une fois par mois une vidéo où Eden Hazard s’adressait à leurs nombreux utilisateurs. Il y a quelques mois, on a pu également le voir s’exprimer en chinois dans une pub télé vantant un produit local.

 » Il plaît beaucoup à la partie asiatique. Et le fait qu’il soit petit, n’y est pas étranger « , confirme Marie Armand.  » On en rigole mais ça a une réelle influence. À l’image d’un Lionel Messi, il a une très belle image là-bas.  »

Fidèle à la personnalité qu’il dégage, le Brainois est également resté très proche de son terroir. Lotus, Nivea (pub nationale), Delhaize via Make a Wish, ou dernièrement, les montres Ice-Watch sont sponsors du Diable Rouge.

La marque horlogère, dont le QG est basé à Bastogne, a récemment pu se rendre compte du phénomène Hazard puisque le 5 septembre, ils étaient plusieurs centaines à s’être massés dans cette ville des Ardennes pour arracher une signature à l’ambassadeur Ice-Watch.

Vincent Vlieghe :  » C’était du délire, on aurait dit une rock star qui débarque. En arrivant à Bastogne, des gens faisaient la queue depuis huit heures du matin. On a même dû être évacués pour sortir de l’endroit.  »

Une approche sympa et accessible

 » Il a été à la hauteur de l’image qu’on attendait de lui « , prolonge Nathalie Deroanne, l’attachée de presse de la société bastognarde.  » Il a une approche, sympa, accessible, et belge qui correspond à l’image de notre marque.  »

Marie Armand :  » Ice-Watch, ce n’est pas non plus une marque de luxe, c’est une marque grand-public moyen de gamme, et belge. Ça lui correspond. Aujourd’hui, il, en est là. Même s’il est capable d’avoir envie d’autre chose dans le futur.  »

Vincent Vlieghe :  » En comparaison, quelqu’un comme Paul Pogba, est bien plus bling-bling, ce qu’Eden ne veut pas être.  » La Ferrari rouge époque lilloise semble bien loin. La marque Hazard est par contre désormais liée à la société de paris, Bwin.be

 » Il y a cinq ans, ça aurait été différent, je pense « , analyse Marie Armand.  » Il a une stature aujourd’hui qui lui permet de s’associer à ce type de marché. Il a l’image d’un père de famille sympa, qui a envie de s’amuser.  »

Vincent Vlieghe :  » À l’inverse, il y a beaucoup de choses que l’on refuse. Comme ça a été le cas avec un jeu de guerre en ligne par exemple. Ça ne correspond pas du tout aux valeurs qu’il souhaite véhiculer.  »

Effet Coupe du monde ?

La cote du numéro 10 des Diables semble être entrée dans une autre dimension encore depuis ses brillantes prestations en Russie.  » C’est surtout au niveau des réseaux sociaux et des demandes médiatiques qu’on a senti un engouement lié à la dernière Coupe du monde. Mais pas d’un point de vue commercial. Les sponsors sont davantage tenus à un calendrier budgétaire « , précise Vincent Vlieghe.  » Son arrivée en Angleterre, en 2012 lui a permis de véritablement exploser. Là on a vraiment senti une différence en terme de popularité.  »

Et pourtant, si ça ne tenait qu’à lui, il en ferait le moins possible.  » Il y a pas mal de choses que je n’aime pas dans le foot : les voyages, l’éloignement avec sa famille et la médiatisation. On n’est évidemment pas à plaindre. Mais il y a des choses plus importantes que le foot « , nous confiait Eden Hazard l’été dernier.

 » C’est vrai qu’on est souvent amené à refuser les sollicitations médiatiques car Eden n’aime pas trop s’afficher « , reconnaît Vincent Vlieghe.  » Il a beau avoir gagné en maturité, il faut encore et toujours le tirer devant les médias.  »

 » Et pourtant, il a une véritable intelligence sociale, on n’a rien à lui apprendre. Il a toujours un bon mot, il aime faire rire « , enchaîne Marie Armand.

Eden Hazard : une PME multinationale
© BELGAIMAGE

Le transfert au Real

Derrière ce père de famille, qui combine cette image avec celle d’un éternel ado blagueur, il y a aussi un véritable homme d’affaires. Eden Hazard, c’est une PME à lui tout seul, liée à AV Team conseil, qui emploie en second rideau une batterie d’avocats, ou d’experts-comptables.

L’agent d’image anglais, Andrew Dart, passé pendant huit ans par Chelsea, prospecte et reçoit les propositions de sponsors. Le célèbre avocat londonien, Oliver Hunt, spécialisé dans le droit du sport, fait également partie de l’équipe.

Plus surprenant : Eden Hazard n’a pas d’agent star type Mino Raiola, ou Jorge Mendes pour le conseiller. C’est le duo Vlieghe-Armand et le père, Thierry qui s’occupent essentiellement du volet sportif.

Pourquoi filer une dizaine de millions à un agent quand on occupe le sommet du foot mondial et qu’ils sont nombreux à lui faire la cour ? Cette réflexion, le numéro 10 de Chelsea l’a parfaitement intégrée, d’autant que l’absence de commission vers un agent lui permet de négocier un salaire plus conséquent.

Cet été, lors des rumeurs de transfert vers le Real Madrid, des agents plus ou moins reconnus ont tenté de s’immiscer dans le deal. Sans résultat. Eden fonctionne toujours avec la même structure depuis six ans et la fin de la collaboration avec John Bico.

Si l’homme est toujours à Chelsea pour le grand bonheur des fans des Blues et de son nouveau coach, Maurizio Sarri, son rêve de rejoindre l’Espagne et le Real Madrid pourrait très bien être postposé à l’été prochain.

À la question épineuse : pourquoi n’a-t-il pas rejoint la maison blanche à l’intersaison, la réponse fuse du côté d’AV Team :  » L’équipe de Chelsea n pouvait pas se passer d’Eden Hazard sur la saison 2018/2019. Point.  » Sans nier pour autant qu’il était bel et bien devenu la priorité du Real.

Si la marque Hazard ne s’est jamais aussi bien portée qu’aujourd’hui, elle pourrait très bien connaître un boom spectaculaire l’été prochain…

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