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Chili: deuxième mandat pour la présidente Michelle Bachelet

Le Vif

Michelle Bachelet a déclaré dimanche au soir de sa victoire à la présidentielle au Chili qu’il était « temps de mener des changements de fond » dans le pays, même si cela ne sera « pas facile », a-t-elle averti.

Le « Chili s’est regardé lui-même, sa trajectoire, son passé récent, ses blessures, ses gestes, le travail encore à faire. Et il a décidé qu’il était temps de mener des changements de fond », a déclaré la présidente socialiste à la tribune devant des milliers de partisans enthousiastes à Santiago. « Ça ne va pas être facile, mais quand a-t-il été facile de changer le monde pour l’améliorer ? », a-t-elle également demandé après avoir remporté le second tour de la présidentielle avec plus de 62% des voix face à la conservatrice Evelyn Matthei, à l’issue d’un scrutin marqué par une forte abstention. Promettant à nouveau de mener à bien une réforme de l’éducation et de la Constitution, héritée de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990), Mme Bachelet, déjà présidente du pays entre 2006 et 2010, a aussi assuré que « plus jamais une minorité ne fera taire la majorité ».

La nouvelle présidente a également rendu un hommage ému et appuyé à sa mère, sa « référence », présente derrière elle a la tribune, avec qui elle a subi des tortures sous la dictature, et à son père, un ancien général mort en détention sous Pinochet. Michelle Bachelet, médecin âgée de 62 ans, a enfin insisté sur l’urgence à construire un « Chili plus juste » et d’en « finir avec les inégalités ».

Michelle Bachelet rentre dans l’Histoire du Chili

Michelle Bachelet, première femme élue deux fois Présidente du Chili, entre dans l’histoire de son pays à l’issue d’un parcours marqué par la dictature, portée par un sens du devoir plus fort que le goût du pouvoir.

La candidate socialiste a entériné dimanche sa victoire face à sa rivale conservatrice Evelyn Matthei à l’issue du deuxième tour de scrutin, dans un duel de femmes inédit en Amérique latine. Après un premier mandat (2006-2010) achevé avec une popularité record, l’ex-présidente socialiste n’avait pu immédiatement se représenter, la Constitution interdisant d’exercer deux mandats consécutifs. Nommée directrice exécutive de l’ONU Femmes, elle avait alors quitté Santiago pour New York, où elle a pu nouer des contacts avec l’élite des dirigeants mondiaux et étoffer son bagage diplomatique.

Au cours de l’année précédant l’élection présidentielle, elle s’était d’abord montrée réticente à un retour à la politique. Et elle a attendu le dernier moment, en mars, pour se déclarer. Dans une récente interview accordée à l’hebdomadaire chilien The Clinic, elle attribuait son retour à la politique à un « sens inné du devoir et des responsabilités », assurant n’avoir « jamais cherché le pouvoir ».

Coulant des jours heureux aux Nations unies, Michelle Bachelet a reconnu que « c’était un job en or » et qu’elle avait alors « beaucoup de raisons d’y rester ». Déjà, lors de sa première candidature à la présidence parrainée par l’ex-président socialiste Ricardo Lagos après avoir été ministre de la Santé, puis la première femme ministre de la Défense d’Amérique latine, elle avait évoqué « ce sentiment de devoir ».

Née le 29 septembre 1951 à Santiago, elle a passé son enfance à sillonner le Chili au gré des mutations de son père pilote de l’armée de l’air. En 1970, elle entame des études de médecine et entre aux Jeunesses socialistes. Le 11 septembre 1973, date du coup d’Etat d’Augusto Pinochet, son père promu général d’aviation et proche du président socialiste Salvador Allende, est arrêté, accusé de trahison. Il mourra six mois plus tard en détention, torturé par ses pairs. La mort d’Alberto Bachelet marquera à jamais la vie de sa fille Michelle, qui voudra toujours se montrer à la hauteur de ce père aimé et admiré. Elle poursuit ses études de médecine tout en aidant secrètement des personnes persécutées par le régime militaire.

Mais en janvier 1975, elle est arrêtée avec sa mère par les services secrets, qui les conduisent au centre de Villa Grimaldi, où les deux femmes sont torturées. Libérées fin janvier, mère et fille s’exilent en Australie puis en Allemagne de l’Est, où Michelle Bachelet continue ses études. Dès 1979, elle est de retour au Chili où elle obtient son diplôme de chirurgien mais se verra refuser un poste dans le système public pour raisons politiques.

Grâce à une bourse, elle se spécialise en pédiatrie et santé publique et travaille pour une ONG qui soutient les enfants de victimes de la dictature. Après la transition démocratique de 1990, Mme Bachelet s’engage comme médecin du service public, tout en étudiant la stratégie militaire et les questions de défense. Elle veut, dit-elle alors, comprendre la vision militaire et les raisons du coup d’Etat et de la mort de son père.

En 2000, elle est nommée ministre de la Santé, puis deux ans plus tard ministre de la Défense par Ricardo Lagos. Là, elle travaillera au dialogue entre civils et militaires, dans un pays aspirant à une réconciliation nationale après les années de plomb de la dictature. C’est le début d’une popularité qui ne s’est jamais démentie depuis. Rompant avec le style figé de la classe politique traditionnelle, cette femme divorcée, mère de trois enfants et grand-mère, s’est notamment fortement engagée en faveur de l’amélioration des droits des femmes dans un pays ultra-conservateur, où l’avortement, même thérapeutique, est interdit et où le divorce n’a été légalisé qu’en 2004.

Souriante, chaleureuse, celle que les Chiliens appellent simplement Michelle n’hésite pas à serrer les gens dans ses bras ou à danser et chanter en public si l’occasion se présente. Elle n’a jamais évoqué les tortures subies alors qu’elle avait 24 ans. A l’occasion du 40e anniversaire du coup d’Etat en l’honneur des victimes sur les lieux mêmes du centre de torture devenu un parc, Michelle Bachelet a expliqué simplement sa présence « en qualité de survivante de la Villa Grimaldi ».

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