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Le « foot à 5 » gagne du terrain

Depuis les plages brésiliennes jusqu’aux synthétiques du Royaume-Uni, les terrains de Five se multiplient d’année en année aux quatre coins du globe. Nombreux sont ceux qui vantent les bienfaits du  » foot à 5  » dans l’épanouissement footballistique d’un joueur. Mais cette variante de la discipline apporte-t-elle un réel plus à la formation des jeunes ?

Paul-José Mpoku, milieu de terrain du Standard de Liège, partage cet avis.  » Si je suis un produit de la rue ? Je pense qu’on peut dire que oui au vu de mes gestes techniques et de ma manière de jouer. Ma technique, je la dois à la rue, c’est là que j’ai tout appris. C’est surtout au  » Verger  » à Verviers, où j’ai grandi, que je jouais tout le temps des  » 5 contre 5 « . Il m’arrivait aussi souvent d’aller à Bruxelles avec Dieumerci Ndongala « .

L’ancien Rouche vante également ce que peut apporter le Five à la maturité d’un joueur.  » On est généralement relativement jeune quand on commence à côtoyer les terrains de Five. Du coup, il arrivait souvent, et toujours maintenant, qu’on tombe sur des gens plus grands, plus âgés. D’une certaine manière, ça t’apporte une certaine maturité.  »

Pour d’autres, les nombreuses heures passées à perfectionner leur technique permettent in fine de déstabiliser leur opposant. Le freestyler Ismael Azzahafi, plus connu sous le nom de Léamssi, partage cet avis. Âgé de 24 ans, le jeune homme s’était fait remarquer lors du Challenge Edhem Sjlivo, considéré comme le plus grand tournoi de football européen indoor, alors qu’il évoluait dans les catégories de jeunes du FC Brussels.

 » Au football, j’ai souvent remarqué ce manque de confiance de l’adversaire face à moi quand il se rendait compte que je savais bien manier le ballon. À ce niveau-là, ça m’a beaucoup aidé car ça me donnait envie de créer l’exploit. Un joueur doué techniquement va directement le sentir quand son opposant est mal à l’aise parce qu’il a peur de se faire passer par exemple.  »

De l’autre côté de la frontière linguistique, la technique fait aussi l’objet d’une attention particulière dans la formation. Au KRC Genk, c’est Michel Ribeiro, entraîneur technique des équipes de jeunes depuis quatorze ans maintenant, qui se charge de travailler cet aspect-là. Des joueurs tels que KevinDe Bruyne, YannickCarrasco ou encore DivockOrigi ont suivi ces conseils, tout comme les derniers produits du cru (LeandroTrossard, Timothy Castagne, SiebeSchrijvers, …).

Ce qu’on apprend dans la rue ne va pas nous aider à percer. Il ne s’agit pas non plus de reproduire sur le terrain ce qu’on a appris à maîtriser là-bas.  » Paul-José Mpoku

Son but ? Transmettre aux jeunes la technique apprise dans le foot de rue.  » Aujourd’hui, avec l’école et les entraînements, les jeunes n’ont plus tellement le temps de côtoyer le foot de rue. Par exemple, les U13 ont 6 entraînements par semaine. Donc, ce que j’essaye de faire, c’est de ramener le foot de rue sur le terrain. Il y a plus de 200 mouvements que je peux enseigner. Généralement, j’apprends aux joueurs à réaliser une combinaison de 5 gestes techniques en un seul exercice.  »

Tout comme Ismael Azzahafi ou Paul-José Mpoku, Michel Ribeiro estime qu’être doté d’une certaine aisance technique permet d’être beaucoup plus à l’aise et confiant sur le terrain. Mais selon lui, cela reste loin d’être suffisant si l’on veut pouvoir percer.  » Sur un terrain, la technique que tu as apprise dans la rue peut t’aider mais cela ne suffit pas. C’est en alliant la technique, le physique mais aussi la tactique que tu peux aller loin.  »

La technique seule ne suffit pas pour percer

 » Le street soccer ne m’a pas spécialement apporté quelque chose dans ma formation de footballeur. Je dirais même que c’est plutôt le contraire « , explique Ismael.  » Sur un terrain de foot à 11, les gestes techniques ne m’ont jamais grandement servi sauf peut-être dans des moments décisifs. Mais je n’avais pas spécialement cette opportunité de dribbler comme j’en avais l’occasion en dehors. Puis, si tu réussis à dribbler une ou deux fois ton défenseur, à la troisième il saura ce que tu vas faire, donc l’effet de surprise reste quand même limité.  »

Du côté de Mpoku, c’est quasiment le même son de cloche.  » Il ne suffit pas d’être technique pour percer. Beaucoup de gens croient que le foot ne se résume qu’à dribbler. Mais tu dois aussi gérer tes courses, savoir te placer, faire des bons appels comme demander la balle en profondeur alors qu’avant, avec les réflexes du Five, j’avais plutôt l’habitude de la demander dans les pieds par exemple, … Puis, le football se joue aussi énormément au mental !  »

Pour Ismael, une autre grande différence réside aussi au niveau du gabarit.  » Je pense que si j’avais été un peu plus grand et que j’avais joué en 9, mon expérience engrangée sur les terrains de Five aurait eu plus d’impact. Le gabarit change un peu la donne. C’est un peu la politique du football belge d’ailleurs. Pour donner un exemple, j’ai joué avec Michy Batshuayi au Brussels. On était doté plus ou moins de la même aisance technique mais lui tenait plus le coup que moi car il était plus grand et avait un meilleur gabarit. Tandis qu’au Five, tu vas pouvoir te sortir plus rapidement d’une situation compliquée, même si la personne en face est physiquement plus avantagée que toi.  »

Penser que le Five ne forme un joueur que sur le plan de la technique serait une erreur. Dans le  » Foot à 5 « , la liste des aspects travaillés ne s’arrête pas seulement à ça. C’est en tout cas ce que pense Christophe Dessy, ancien directeur de l’Académie Robert-Louis Dreyfus et désormais à la tête du centre de formation de l’EA Guingamp.  » En ce qui concerne la motricité mais aussi sur le plan cognitif, c’est également intéressant pour le joueur, quel qu’il soit, dans la mesure où ce dernier a une liberté d’agir puisqu’il n’est pas sous la contrainte d’un coach qui lui demande de faire certaines choses.  »

Tactique et vision du jeu au centre de la formation

 » Mais c’est aussi quelque chose de très complémentaire au niveau de la réflexion « , poursuit Christophe Dessy, qui fut aussi aux commandes de l’École des jeunes à Mons et à Nancy.  » Sur un terrain de football, on bénéficie d’un temps de réflexion plus long, ce qui n’est pas le cas dans le  » Foot à 5 « . Sur un terrain de cette taille, utiliser tes deux pieds devient presque essentiel puisque tu n’as pas toujours le temps de choisir ton meilleur pied. Le seul inconvénient, c’est que l’on ne retrouve pas cette vision périphérique que l’on va développer sur grand terrain.  »

Pour l’ancien homme fort des Rouches et des Dragons, outre les qualités individuelles que peut prodiguer le Five, cette surface de jeu représente également la possibilité de travailler les stratégies collectives.  » Que ça soit à l’époque où j’étais à Nancy ou même à Liège, il y avait un terrain réduit, un  » city  » comme on appelle ça en France. Aujourd’hui, il y a une volonté de se doter de ce genre d’infrastructures. Ce qui est intéressant avec ce genre de terrains, c’est que l’on peut énormément travailler l’aspect tactique, le football de zone, etc …  »

 » Personnellement, j’estime que c’est très bon pour le cardio et ça apporte un certain dynamisme « , avance Benjamin Nicaise.  » Étant donné que la balle ne sort jamais, les joueurs se doivent d’être toujours tous concernés « , poursuit-il. Benjamin Nicaise sait de quoi il parle. Depuis quelques années, l’ancien milieu de terrain du Standard et de Mons co-détient le  » Soccer Club  » (situé à quelques dizaines de mètres du stade de Sclessin) dont il fut l’un des fondateurs. Le complexe sportif avait d’ailleurs été choisi pour accueillir les qualifications liégeoises pour le tournoi  » Neymar Jr’s Five « .

Pour Benjamin Nicaise, le confort et la qualité de ce type d’infrastructures sont des atouts indéniables dans la formation des jeunes, et pas seulement pour ceux évoluant dans le milieu professionnel.  » On a reçu quasiment tout le monde ici, en passant par la D1 jusqu’aux divisions amateurs. Nous-mêmes nous avons une académie avec des joueurs qu’on entraîne semaine par semaine, des plus acharnés à ceux qui veulent avoir une première approche du foot. C’est aussi et surtout une opportunité pour certains entraîneurs de profiter de la qualité des installations. Souvent, les clubs n’ont pas les moyens d’avoir le dernier synthétique ou alors ils n’ont parfois qu’un quart de terrain pour s’entraîner en fonction des horaires prévus par le club.  »

Par Joachim Gilles

Un juste équilibre

Le

Que l’on soit professionnel ou pas, les terrains de Five ne peuvent qu’être bénéfiques pour un joueur lambda. Mais toutes les personnes interrogées s’accordent à dire que l’expérience que l’on peut engranger grâce au Five est loin de suffire à réussir au plus haut niveau.  » Ce qu’on apprend dans la rue ne va pas nous aider à percer « , martèle Paul-José Mpoku.  » Il ne s’agit pas non plus de reproduire sur le terrain ce qu’on a appris à maîtriser là-bas. Tout est question d’avoir une bonne balance, d’avoir un bon équilibre entre les deux.  » Les aptitudes développées dans le  » Foot à 5  » demeurent donc un bonus, mais il revient à chaque joueur de bien faire la distinction entre la réalité du petit et du grand terrain.

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