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L’Union, un club familial avec belle histoire

Le matricule 10 a 120 ans. Un cap passé dans l’anonymat du ventre mou de la D1B et la fraîcheur du Stade Roi Baudoin. Contraint pour la deuxième année consécutive d’évoluer loin de ses installations d’origine, l’Union trouve forcément le temps long. Et cela se voit.

L’Union peut souffler. Et 120 fois encore bien. Ce mercredi 1er novembre, le club à la zwanze s’est offert une parenthèse enchantée dans un quotidien pas très glamour en fêtant ses 120 printemps. En plein automne, mais au chaud, puisque la veille les irréductibles Saint-Gillois s’étaient donné rendez-vous au Stade Marien pour accueillir comme il se doit « Royale Union Saint-Gilloise », un ouvrage anniversaire pour célébrer ce super centenaire trépidant aux milles histoires.

La dernière en date raconte malheureusement celle d’un club isolé, contraint d’évoluer loin de sa base, dans un stade sans âme. Un baby-sitting prolongé au Heysel qui, tous les 15 jours, enfonce un peu plus l’Union dans ses certitudes. Sportive d’abord puisque le club s’est donné cette saison comme seul objectif d’assurer son maintien ; humaine enfin pour les plus fidèles qui ont décidé de s’accrocher, quoi qu’il en coûte.

Installé dans les couloirs austères du Stade Roi Baudouin pour les matches à domicile des Jaune et Bleu, Nicos, tenancier du Club House, situé au pied de la Tribune 1 du Stade Marien, constate que passé l’excitation toute relative des premiers matchs de ceux qui « voulaient voir une fois le stade des Diables rouges », ses finances ont vite fait de retomber dans le rouge. « Par rapport aux matches au Parc Duden, mes rentrées ont baissé de 60% » dit-il, amer. « Tenir une saison de plus comme ça, ce sera compliqué. »

Chacun à leur échelle, parfois avec le sourire, les supporters de l’Union apprennent petit à petit à souffrir depuis un an et demi. Jean-Michel, fonctionnaire à la communauté française, 25 ans d’abonnements dans le rétro et à peine 11 absences au compteur, sait de quoi il parle quand il évoque la souffrance du supporter.

« Tout pour plaire, sauf l’argent »

« Je suis un inconditionnel de l’Union, de ses traditions. Tolérance, zwanze, beuverie. Parce que l’Union, ce n’est pas que le foot. Quand je vais au match, je parle parfois plus musique ou bouffe que ballon rond. C’est le charme de l’Union. Le problème, c’est que les politiques ne le comprennent pas. Le budget est voté, mais les travaux ne commencent pas. En Belgique, le surréalisme est devenu la norme et cela a pour conséquence que chaque semaine le club perd un peu plus de son identité. »

Tous ou presque identifient le manque de visibilité médiatique de l’Union pour justifier la lenteur de la procédure. Et peu comprennent qu’avec un président aussi charismatique que Jürgen Baatzsch, leur club ne jouisse pas d’une popularité plus importante. « On a tout pour plaire, mais peut-être pas assez d’argent », juge Didier. « Jürgen, c’est Marc Coucke en moins riche… Oui, mais ça fait toute la différence hein ! Le RWDM est issu de 23 fusions, Anderlecht, c’est impersonnel au possible, mais pourtant on a parfois l’impression d’être le parent pauvre du football bruxellois. »

Et quand Edgard, 85 ans, présent dès 1947 au stade avant de partir pour le Congo, vous parle de l’absence de lobbying autour de son club, c’est que le problème est profond. « Le RWDM a Rodrigo Beenkens, Stephan Streker et Marka pour faire parler chaque semaine dans les médias, mais nous n’avons personne à part Pascal Scimè. Et puis, on en a marre de vivre avec l’histoire. On connaît notre palmarès mais nous, ce qu’on veut, c’est réécrire l’histoire. L’avenir doit nous appartenir parce que ce qu’il se passe autour de l’Union, c’est unique. On est dans un bien meilleur mood que d’autres clubs. »

Un passionné octogénaire qui jongle avec la langue de Shakespeare, ça pose question. Et ça jette les bases. Souvent présenté comme un club branché de hipsters, l’Unioniste ne se reconnaît plus quand il pénètre dans l’antre de ce que les nostalgiques continuent d’appeler Bruparck. Le plateau du Heysel, ce n’est pas franchement le décorum rêvé pour un club en recherche d’identité alternative.

« Je te raconte pas quand il faut se pointer jusqu’ici le vendredi soir ou, pire, le lundi parce qu’il y a un event le week-end au Heysel » , se lamente Jaak, ce supporter hollandais de 51 ans tombé amoureux de l’Union il y a neuf ans au moment de s’installer à Bruxelles. « En tant que fan du Sparta Rotterdam, je cherchais un club à Bruxelles susceptible de m’apporter les mêmes émotions. J’ai tapé sur internet « club familial avec belle histoire« . Et je suis tombé tout naturellement ici. Aujourd’hui, l’Union a même pris le devant sur le Sparta dans mon coeur. »

« C’est dur de faire semblant »

Alors, comme d’autres, assidus, Jaak enfile son écharpe jaune et bleu tous les quinze jours pour se rendre à l’autre bout de la capitale. Pas de gaieté de coeur, mais parce qu’il le faut. Contre Tubize, le 23 octobre dernier, ils n’étaient que 500 courageux à avoir bravé le froid et la grisaille pour venir se perdre dans l’immensité du Heysel. Près de vingt fois moins que six mois plutôt à l’occasion de la réception du Standard, un match événement évidemment à part. Et un argument de plus pour faire valoir le folklore local.

« On l’a vu à cette occasion, les supporters liégeois nous respectent. Comme tout le monde, en fait », se la raconte gentiment Jean-Michel. « Même à l’Antwerp, ils sont jaloux de notre bar dans la tribune. Quand il y a deux ans, ils ont loupé la montée contre nous lors de la dernière journée, ça ne les a pas empêchés de rester picoler jusque minuit avec nous. »

Des histoires de godets échangés, la mémoire de l’Union en regorge. Et celle de Philippe Camion peut-être un peu plus qu’une autre. Ancienne mascotte du club à la fin des années soixante et fils des tenanciers de la buvette de l’époque, Philippe a les yeux mouillés au moment de se plonger dans « Royale Union Saint-Gilloise ».

« Ce livre, on voit toute de suite que c’est l’Esprit de l’Union qui est dedans. » La preuve, c’est que ledit Philippe se retrouve çà et là sur quelques clichés d’époque. « Je suis ému, parce que c’est moche de devoir jouer au Heysel. Je vais voir les matchs, parce que les joueurs n’ont pas à être pénalisés, mais c’est dur de faire semblant. »

Depuis un an et demi et les 22 rencontres disputées à domicile par la bande à Marc Grosjean, la vie d’un supporter unioniste est avant tout celle d’un supporter nomade. De ceux dont le baluchon est de plus en plus léger à chaque déménagement. Faute de souvenirs. Heureusement qu’à l’Union, l’histoire est désormais couchée sur papier.

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