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Belgique-Japon: balle de fin d’année

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

La Belgique de Roberto Martinez avait encaissé trois fois. Encore. Comme en Russie et en Bosnie. Un refrain qui sonne comme une sanction, parce que le pays préfère oublier qu’au bout de ces trois matches, ses Diables n’ont jamais perdu. L’ambiance est à la gueule de bois, au foie chamboulé par les dribbles indigestes d’Hirving Lozano.

Cerné par les micros de la presse nationale, Kevin De Bruyne dilue son aspirine footballistique dans un grand verre de tempête médiatique : « On a un groupe qui est très fort avec le ballon, on doit essayer de l’avoir. Quand l’adversaire a trop de possession, ce n’est pas notre jeu. »

Martinez semble ravi. Au bord de la pelouse brugeoise, il raconte d’ailleurs que le Japon sera un adversaire idéal pour soigner la fièvre mexicaine : « Ils vont venir nous chercher assez haut, on va devoir trouver des réponses pour contrer ce pressing. » Comme s’ils étaient seulement là pour jouer les sparring-partners, et appuyer sur les plaies belges, les Japonais jouent le centre, catapultent un long ballon dans les gants de Simon Mignolet, et passent la ligne médiane. Aux Diables de jouer.

CRÉER SANS EDEN

Comme pour corser l’exercice, Eden Hazard est en tribunes. La Belgique ne pourra pas compter sur son meilleur soldat pour franchir les lignes adverses. Martinez est comblé : « Il faut montrer qu’on peut être performant, peu importe qui joue. » Le ballon roule jusqu’aux pieds de Thomas Vermaelen, passe quelques secondes dans les pieds diaboliques, puis se transforme en reconversion rapide des Nippons. Thomas Meunier se replace dans la ligne arrière, et présente rapidement une Belgique qui va alterner entre défense à quatre – en perte de balle – et ligne de trois, selon la religion professée sur les terres nationales par Hein Vanhaezebrouck.

Mignolet ne dégage presque pas, sauf quand le front de Romelu Lukaku, avantage athlétique considérable sur une défense aérienne japonaise loin d’être de taille, offre l’opportunité d’une attaque directe. C’est une déviation du Rom’ qui met Kevin De Bruyne sur la route du premier tir belge, après sept minutes de jeu et cinquante mètres de course balle au pied. Citizen Kev’ part de loin, parce qu’il passe l’essentiel de son temps devant la défense, laissant Axel Witsel de côté pour se charger de la distribution du football national.

À défaut d’être rapide, ralentie par les pieds trop méticuleux de Christian Kabasele et le corps souvent mal positionné de Witsel, la possession belge est fluide jusqu’à la ligne offensive, avec la contribution d’un Japon moins agressif que le Mexique. Les problèmes majeurs naissent dans les pieds de Dries Mertens et de Thorgan Hazard.

DU JEU SANS DRIBBLE

L’un partage son gabarit, l’autre son nom, mais aucun ne peut assumer le rôle d’Eden. D’ailleurs, la Belgique de Martinez ne leur en demande pas tant. Placés dans des situations de un-contre-un, grâce à la hauteur retrouvée de Meunier et Nacer Chadli dans les couloirs et aux changements de jeu de KDB, ils n’ont qu’un homme à effacer pour transformer des situations en occasions. Plus énergiques qu’efficaces, ils alternent surtout maladresses et mauvais choix, trop souvent pour perturber la soirée d’Eiji Kawashima.

Les losanges bien menés sur les flancs, devenus la marque de fabrique des Diables au cours de l’année, sont donc trop rares, et augmentent à la fois le malaise des tribunes et l’impression d’Eden-dépendance. Jusqu’à l’heure de jeu, moment où Kevin Mirallas remplace Mertens, la Belgique se cherche. Elle passe une longue demi-heure sans tirer au but. Parce qu’il manque un éclair de lucidité à Thorgan quand Dries le met sur orbite avant le retour aux vestiaires, puis une pointure au Napolitain sur une passe majestueuse de King Kev en début de seconde période.

De Bruyne manoeuvre plus haut, avec l’accord tacite d’un Japon qui recule de plus en plus. Les Diables commencent enfin à récupérer le ballon de l’autre côté de la ligne médiane après le réveil de Mignolet sonné par Ryota Morioka, auteur du premier tir cadré nippon au bout de 70 minutes.

L’HISTOIRE DE ROM’

Déjà impliqué dans cinq des sept premiers tirs belges de la soirée, Romelu Lukaku choisit de s’installer dans l’Histoire avant de finir le match sur le banc de touche. Posé sur la ligne médiane, dans l’attente de sa montée au jeu, Divock Origi admire Rom’ combiner avec Witsel et Mirallas. Le Toffee poursuit l’action avec un appel tranchant vers le flanc gauche, course désintéressée si rare chez ces Diables qui veulent tous le ballon dans les pieds. Mirallas attire la défense japonaise, et ouvre une brèche pour Chadli, libéré entre les lignes par la vitesse de la possession et la sophistication du système.

Nacer s’y engouffre, réussit un dribble dans la zone de vérité, denrée rare de la soirée pour un pays pourtant devenu le petit Brésil d’Europe, et poursuit son action jusqu’à déposer le ballon sur le front de Lukaku, auteur d’un quatorzième but en 899 minutes de jeu sous Martinez. Romelu place son nom au sommaire de la grande histoire du football belge, puis quitte la pelouse pour regarder Mignolet refuser aux Japonais des buts pourtant offerts par une intervention loupée de Kabasele, une tête approximative de Vermaelen et une défense nonchalante de Meunier.

La dernière munition de la soirée sera belge. Elle part d’une initiative de la ligne arrière, atout précieux face à un bloc aussi bien organisé que celui de Vahid Halilhodzic. C’est Vermaelen qui régale, d’une passe qui trouve directement Mirallas. Bien inspiré, l’autre Kev’ dévie dans les pieds d’Origi, dont l’ouverture à l’opposé active Meunier et Thorgan Hazard. Le centre en retrait du Soulier d’or est un régal pour Origi, mais le sacrifice du samouraï Sakai prive la Belgique du 2-0.

Le score est trop étriqué pour arracher des sourires. Un match terne comme dernier souvenir d’une année de records. Qu’importe si les Diables ont tutoyé les sommets allemands pendant leur campagne qualificative, tant pis si Hazard a été plus fort que jamais et que malgré ses 38% de temps de jeu en 2017, sa Belgique termine l’année invaincue : il ne reste de novembre que des doutes et des critiques autour du sélectionneur. Le paradoxe est bien un belgicisme.

Par Guillaume Gautier

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