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Qu’est-ce qui freine le Borussia Dortmund de Peter Bosz ?

Sous la direction de son nouveau coach, Peter Bosz, le Borussia Dortmund a pris un départ sur les chapeaux de roue avant de caler. La magie s’est-elle déjà envolée ?

« On ne va rien changer. Notre style de jeu fonctionnait en début de saison, c’était chouette pour les joueurs et agréable à regarder. Il nous suffisait d’une petite possibilité pour marquer. Maintenant, on manque de grosses occasions. La différence, elle est là. » Peter Bosz s’est montré égal à lui-même il y a deux semaines : fidèle à ses principes footballistiques. Après avoir fait briller l’Ajax la saison dernière en Europa League, le Hollandais est désormais l’entraîneur du Borussia Dortmund.

Pour ses débuts en Rhénanie-Westphalie, l’adepte de Johan Cruijff a fait forte impression. Le Borussia n’avait jamais pris un aussi bon départ (6 victoires et un nul). Tout cela en produisant un football offensif et attractif. Les médias allemands parlaient de hourrah football et de gala en jaune et noir. Un tabloïd qui ne verse jamais dans la demi-mesure avait même fait de l’entraîneur hollandais le nouveau maître de la Bundesliga.

Mais le 14 octobre, le vent a tourné. Le Red Bull Leipzig s’imposait 2-3 au Signal Iduna Park, mettant fin à la série de matches sans défaite du Borussia. Suivent alors un nul contre l’Eintracht Francfort (2-2), une défaite contre Hanovre (4-2) suivie, le week-end dernier, par un nouveau revers (1-3) face au Bayern. Après le nul contre Francfort, déjà, la presse allemande s’est montrée plus critique. Hans-Joachim Watzke, le directeur général du Borussia, a protégé son entraîneur.

« Tant contre Leipzig que contre Francfort, nous avons assisté à des matches spectaculaires. C’est pour ça que les gens viennent au stade », disait-il dans le Westdeutsche Allgemeine Zeitung. « Quand on voit l’enthousiasme dont les fans ont fait preuve lors de ces deux matches, on comprend qu’un tout autre état d’esprit règne autour du club. Mais personne n’en parle, ce n’est pas normal. »

Il faut dire qu’en Ligue des Champions, Bosz et le Borussia ne font pas grand-chose de bon mais perdre à Tottenham (en ayant eu 63 % de possession de balle) et à domicile face au Real Madrid n’a rien de scandaleux non plus. Seuls les deux nuls (1-1) face à APOEL Nicosie restent sur l’estomac mais Watzke connaît les priorités. « On aurait aimé faire mieux en Ligue des Champions, c’est clair mais notre objectif principal, c’est le championnat car on veut à nouveau se qualifier pour la Ligue des Champions. »

Le show et l’effroi

Aux Pays-Bas, déjà, le football osé de Bosz avait, par moments, suscité des doutes. Même auprès des joueurs. Après une défaite par 4-0 de son équipe d’alors, Heracles Almelo, au PSV, les critiques s’étaient abattues sur lui. Il n’empêche qu’au match suivant, le coach ne dérogea pas d’un iota à son système, basé sur une défense à trois. A l’Ajax aussi, Bosz alterna le show et l’effroi.

L'entraîneur hollandais avec sa perle : Pierre-Emerick Aubameyang.
L’entraîneur hollandais avec sa perle : Pierre-Emerick Aubameyang.© AFLO

« Tout changement de système nécessite une période de rodage » dit l’entraîneur frais émoulu des Borussen après la dégelée récente face au Bayern. « Au cours des 5 premiers matches, nous n’avions pas encaissé le moindre but, même si le football dispensé était loin d’être au point. Durant cette période, nous avons pu compter sur un brin de chance. A présent, elle nous tourne le dos. Contre APOEL, nous avons forgé au total une trentaine d’occasions, mais elles ne se sont soldées que par deux buts. C’est ce que j’appelle la poisse.

Au début de la saison, nous développions un football dominant. Au fil des semaines, les opposants ont fini par s’y adapter. L’effet de surprise est terminé. Il nous faut élaborer une autre manière pour déjouer les plans adverses. Non pas en changeant radicalement notre fusil d’épaule mais en étant plus précis dans l’élaboration de nos offensives et, surtout, plus pointus en zone de vérité. »

Bosz ressent une certaine pression, mais pas (encore) autour de sa personne. « Chaque club traverse une mauvaise passe à l’un ou l’autre moment. C’est notre cas pour l’instant. Après avoir carburé à plein régime, la mécanique s’est quelque peu grippée. J’avais déjà connu le même phénomène aux Pays-Bas en relançant, après coup, le moteur de plus belle. Je ne vois pas pourquoi il n’en irait pas ainsi cette fois encore. »

Un choix logique

On verra si Peter Bosz (53 ans) est l’entraîneur idéal pour refaire du Borussia Dortmund un candidat champion mais il n’est pas illogique que les Jaune et Noir se soient tournés vers l’ex-médian d’Appeldoorn. Bosz a en effet prouvé la saison dernière avec l’Ajax qu’il pouvait faire d’un groupe essentiellement composé de jeunes joueurs un ensemble cohérent sur le plan tactique. Et des jeunes, à Dortmund, il y en a puisque pas moins de dix joueurs du noyau ont moins de 23 ans.

C’est ainsi que, l’été dernier, le prodige suédois Alexander Isak (18 ans) a préféré signer au Borussia plutôt qu’au Real Madrid. Lors du match de coupe à Magdebourg (victoire 0-5), le jeune attaquant a inscrit son premier but pour les Borussen. Et des joueurs comme lui, il y en a d’autres : Jadon Sancho (17 ans) est arrivé de Manchester City tandis que le défenseur français Dan-Axel Zagadou (18 ans) a débarqué du PSG. Tous trois ont été encouragés par le temps de jeu offert à Christian Pulisic et Ousmane Dembélé la saison dernière.

Dans les équipes de jeunes aussi, il y a des perles, comme le médian hollandais Manuel Pherai (16 ans), dont l’agent n’est autre que Mino Raiola, ou Youssoufa Mokoko, dont on se demande quel âge il a réellement. Le Borussia a toujours misé sur les jeunes et un entraîneur comme Peter Bosz s’inscrit parfaitement dans cette philosophie que Lars Ricken, vainqueur de la Ligue des Champions en 1997 avec Dortmund et aujourd’hui responsable de la formation des jeunes, a récemment résumée comme suit : « Il est très important pour l’identité du Borussia Dortmund de promouvoir des joueurs des équipes d’âge comme Christian Pulisic, Felix Passlack, Marcel Schmelzer, Mario Götze, Marco Reus et Nuri Sahin. »

Peter Bosz
Peter Bosz © BELGAIMAGE

Peter Bosz a mis moins de temps à marquer l’équipe de Dortmund de son empreinte qu’il ne l’avait fait un an plus tôt à l’Ajax, où ses débuts avaient été plus difficiles. Pourtant, au début, en Allemagne, il y avait des sceptiques. Ceux-ci se demandaient comment une équipe pouvait jouer offensivement si sa défense n’était pas stable.

Adepte d’un pressing haut

Rien qu’en championnat, l’équipe alors dirigée par Thomas Tuchel avait encaissé 40 buts, soit près du double du champion, le Bayern de Munich (22). Et au cours des dernières semaines, la ligne arrière du BVB a de nouveau fait l’objet de critiques de la presse allemande qui ne la trouve « pas suffisamment stable » pour jouer haut.

Car c’est exactement ce que Bosz veut faire : presser haut, défendre de façon plus agressive et plus groupée qu’à l’époque de Tuchel. Cela fait penser au football heavy metal de Jürgen Klopp, qui avait permis à Dortmund d’être champion en 2011 et en 2012. Pour Bosz, l’adversaire ne doit pas avoir le temps de partir en contre-attaque.

Ce n’est pas la seule différence. Bosz évolue en 4-3-3 alors que Tuchel préférait un 3-5-2. L’Allemand n’hésitait pas non plus à modifier son équipe avant chaque match afin de s’adapter aux points forts et aux points faibles de l’adversaire. Bosz est plus conservateur, ce qui permet à ses joueurs d’avoir plus de points de repère et d’être en confiance pour appliquer ce système à risques. L’entraîneur sait qu’un système ne s’impose pas, que les joueurs doivent l’assimiler en étant sans cesse confrontés à des situations identiques, au point qu’ils finissent par penser que c’est eux qui en ont eu l’idée.

Si Bosz et son équipe ont été encensés en début de saison, c’est surtout parce que l’Allemagne aimerait avoir un nouveau champion. Cela fait cinq ans que le Bayern décroche le titre et domine la Bundesliga de façon outrageante. Avec un budget annuel de 405 millions d’euros, le Borussia Dortmund est le seul club de Bundesliga qui peut rivaliser avec le Bayern (592 millions) sur le plan financier. Sur le plan sportif aussi, il semble refaire son retard. Au cours des cinq dernières saisons, il a terminé trois fois deuxième, une fois troisième et une fois septième (en 2014/2015, lors de la dernière saison de Jürgen Klopp).

Cette saison, le Bayern semble un peu sur le déclin et, après l’humiliation subie face au PSG de Neymar & Co en Ligue des champions, le président Karl-Heinz Rummenigge est intervenu. Il a écarté Carlo Ancelotti et a rappelé Jupp Heynckes (72 ans). Le papy a rapidement remis de l’ordre et ramené le Bayern dans la course au titre, comblant son retard sur le Borussia Dortmund en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Aura-t-on droit à un nouvel épisode du FC Hollywood ou Bosz parviendra-t-il à briser l’hégémonie bavaroise ?

par Peter Wekking et Steve Van Herpe

L’exception hollandaise

Depuis que Ronald Koeman a quitté Everton, Peter Bosz est le dernier coach hollandais en place dans un des cinq grands championnats européens. Au début de la saison, il étaient trois puisque Frank de Boer entraînait Crystal Palace. Les temps changent.

Dans les années ’80 et ’90, l’école des entraîneurs hollandais était reconnue dans toute l’Europe. Il y avait non seulement Johan Cruijff au FC Barcelone mais aussi Leo Beenhakker au Real Madrid et Guus Hiddink à Valence, au Real Madrid et au Real Betis. Plus tard, il y eut encore Ruud Gullit, Frank Rijkaard, Huub Stevens, Arie Haan, Martin Jol, Bert van Marwijk, Fred Rutten, Gertjan Verbeek, … Sans oublier Louis van Gaal.

La dévaluation des entraîneurs hollandais au cours de ce millénaire est frappante. En Espagne, il y a près de dix ans qu’on ne fait plus appel à eux. Rijkaard, qui a quitté le Camp Nou en 2008, fut le dernier. En Serie A, les clubs ne se sont jamais battus pour avoir un coach hollandais. Et les échecs de Clarence Seedorf à l’AC Milan en 2014 (il fut limogé après cinq mois) ainsi que de Frank de Boer à l’Inter en 2016 (limogé après trois mois) n’ont rien fait pour améliorer les choses.

Au cours des dernières années, c’est surtout en Premier League que nos voisins du nord ont eu du succès : Martin Jol a entraîné Tottenham de 2004 à 2007 et l’a ramené en Coupe UEFA pour la première fois depuis longtemps, Hiddink a remporté la Coupe d’Angleterre avec Chelsea et Van Gaal en a fait autant avec Manchester United.

La disparition de tous ces grands noms de la scène européenne a également eu des conséquences sur les chances des Hollandais d’entraîner des équipes nationales. Il y a onze ans, lors de la Coupe du monde en Allemagne, on dénombrait pas moins de quatre pays dont le sélectionneur était un Hollandais : la Corée du Sud avec Dick Advocaat, Trinité & Tobago avec Leo Beenhakker, l’Australie avec Guus Hiddink et les Pays-Bas avec Marco van Basten. Lors du prochain mondial en Russie, il n’y aura pas un seul entraîneur hollandais.

Vivement un autre champion que le Bayern !

Il est clair que l’Allemagne aspire à connaître un nouveau champion. Le Bayern a remporté sept des dix derniers titres. Au cours de cinq dernières saisons, il a dirigé la Bundesliga d’une main de fer, tuant tout suspense. Il est arrivé plusieurs fois que ses joueurs fêtent le titre alors qu’ils portaient toujours leur manteau d’hiver. En 2013/2014, l’équipe entraînée par Pep Guardiola a été championne à huit matches de la fin. L’année suivante, elle a célébré le titre dès le mois d’avril. Et la saison dernière, le Bayern s’est imposé avec quinze points d’avance sur le RB Leipzig.

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