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Loïc Vliegen: « Mon coeur penche vers les flandriennes »

Lundi dernier, il est 16 heures lorsque nous retrouvons Loïc Vliegen à la chocolaterie Darcis de Verviers.  » J’ai mes petites habitudes ici « , sourit le coureur de la BMC. De retour d’une séance d’entraînement, le Belge nous accorde une heure de son temps et n’élude aucun sujet. Il revient notamment sur sa blessure, ses objectifs, son amitié avec Philippe Gilbert et en profite pour évoquer son avenir dans le peloton professionnel.

Finalement de retour sur La Flèche Wallonne

Changement de programme. Ce mardi 17 avril, Loïc Vliegen nous a contactés pour nous annoncer une bonne nouvelle. Visiblement rétabli de sa fracture du scaphoïde plutôt que prévu, il prendra finalement le départ de La Flèche Wallonne ce mercredi. En fonction de ses sensations sur cette course, le coureur de la BMC pourrait également s’aligner sur Liège-Bastogne-Liège dimanche.

Loïc, en mars dernier vous terminez Nokere Koerse au douzième rang avant de finir à terre après la course. Résultat : une fracture du scaphoïde et plusieurs semaines de repos mais que s’est-il passé exactement ?

« Après la ligne d’arrivée, il fallait parcourir deux kilomètres pour rejoindre le bus de l’équipe. Les personnes qui avaient regardé la course repartaient avec leur véhicule. C’était donc un peu le foutoir, il fallait rouler au milieu du trafic. Malheureusement, je remonte la file de voiture sur la gauche lorsqu’une femme a voulu tourner dans la ruelle sur sa gauche. Je n’ai pas eu le temps de freiner ni d’éviter le véhicule… Il m’a coupé la route et je suis passé par-dessus le capot. »

Dans un premier temps vous vous êtes pourtant relevé sans encombre ?

« Oui effectivement. Au moment, où je me suis relevé, ça allait, j’avais juste un peu mal à l’épaule. C’est seulement après deux ou trois heures que j’ai commencé à avoir mal et après avoir passé des examens le lendemain, j’ai su que j’avais une fracture du scaphoïde. Apparemment c’est typique de ce genre de fracture, la douleur vient quelques heures après. »

Finalement, on peut tout de même dire que vous en sortez bien ?

« Les parents de Jonas (Van Genechten) étaient là à ce moment. Ils ont vu la scène et sont venus me ramasser au sol. Ils m’ont dit : tu t’en tires bien, quand on t’as vu voler c’était impressionnant. On pensait que ça allait être pire pour toi. »

Et il n’y a pas eu de suite avec la conductrice ?

« Elle était venue voir la course avec son mari. C’étaient des amoureux du vélo et ils se sont directement arrêtés pour savoir si je n’avais rien. Ils ont eu peur mais à ce moment, je pensais que je n’avais rien et leur voiture n’avait rien non plus. Je me suis rapidement relevé pour rejoindre le bus et faire les 500 mètres qu’il me restait à effectuer. »

« Mon coeur penche vers les flandriennes »

Pour revenir sur cette course, vous avez pourtant montré de belles choses ?

« Elle s’était très bien passée. J’étais bien toute la journée, j’étais satisfait et je sentais que j’allais être prêt pour les ardennaises. Je prends des risques pendant 200 bornes et finalement, c’est après l’arrivée que je tombe… »

C’est la deuxième année consécutive que vous manquez les ardennaises. Cela ressemble à de la poisse non ?

« C’est vrai : l’année passée, je me casse le coccyx au Pays basque, déjà juste avant ces classiques. On dirait que les ardennaises ne me veulent pas. Chaque saison c’est mon premier objectif et je rate ça, c’est vraiment dommage. Lors de ma deuxième année pro, j’ai fait de beaux résultats sur les ardennaises. J’ai enchaîné une dixième place sur La Flèche Brabançonne et une neuvième place à l’Amstel Gold Race. Je pense que je peux bien figurer sur ces courses mais ça fait deux années que je les loupe. »

Les ardennaises, ce sont vos terrains de prédilections ?

« Je suis également fan des flandriennes, il va donc falloir faire un choix. Cette année, on avait plus de coureurs pour les flandriennes que pour les ardennaises, on a donc préféré m’aligner sur les ardennaises. Je pense tout de même être capable de faire les deux. La saison prochaine, j’aimerai vraiment pouvoir me focaliser sur les flandriennes et participer aussi à l’Amstel, qui pour moi reste une course flamande sans pavé. Je pense être à l’aise sur les deux types de courses mais mon coeur penche plus vers les flandriennes. Les ardennaises ce sont mes routes d’entraînements, mais il est difficile de participer aux deux. »

On devrait donc rapidement vous voir sur la Ronde et l’Enfer du Nord ?

« Oui, j’aimerais vraiment bien me tester dessus. »

Pour revenir à votre blessure, elle vous écarte de la compétition durant combien de temps ?

« Entre Nokere-Koerse et le Tour de Californie, cela fera deux mois. On parlait d’un retour déjà sur Liège-Bastogne-Liège, mais au vu de la situation, je pense que ça va être difficile. Cela évolue bien mais le scaphoïde est un os vraiment délicat à traiter. Cela risque d’être trop juste pour Liège. »

Loïc Vliegen:
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« La façon dont j’ai roulé a marqué »

Comment gérez-vous cette absence de course ?

« Ce n’est pas évident mais il faut se retourner vers d’autres objectifs. Je continue à m’entraîner. Je travaille pour revenir, mais je ne pense pas que je n’ai pas perdu beaucoup au niveau de la condition. J’ai encore un mois avant le Tour de Californie pour continuer à travailler. Pour le moment, je m’entraîne toujours avec une attelle. Une fois que je pourrai l’enlever, je pourrai m’entraîner avec beaucoup plus d’intensité. Lorsque le poignet ira mieux, je pourrai prendre correctement le guidon en main, le serrer fort et faire des sprints. À ce moment-là, j’organiserai un stage et je roulerai une semaine comme-ci j’étais sur une course d’une semaine. »

La prochaine échéance est donc le Tour de Californie ?

« Pour le moment oui, mais si je peux recommencer avant je le ferais. Mais il ne faut pas presser les choses non plus et voir en fonction de l’évolution de ma blessure. »

Et ensuite ?

« Je reviens à la compétition en mai mais le problème c’est que notre équipe n’a pas énormément de courses au programme de mai à juillet. En mai, il y a seulement le Giro et le Tour de Californie. En juin, mis à part le Dauphiné et le Tour de Suisse, il n’y a rien et en juillet, il y a le Tour de France et le Grand Prix Cerami. Ce n’est vraiment pas grand-chose. Pour le moment je ne sais pas mais j’espère qu’en juin, je ferai au moins le Tour de Suisse ou le Dauphiné. Dans le cas contraire, cela risque d’être une longue période sans course. On verra bien ce que l’équipe me propose mais il y a plus d’un mois entre le Tour de Californie et le championnat de Belgique, à la fin du mois de juin, c’est long ! Ensuite, il y a le Tour de France, et logiquement je n’y participerai pas, ça fait donc encore un mois sans course. »

Avant votre blessure, votre début de saison était satisfaisant ?

« Franchement oui, j’étais satisfait. J’ai participé au Dubaï Tour et Tour d’Algarve. Sur cette dernière course, on avait une très belle équipe avec Richie (Porte) et Tejay (Van Garderen). Je savais donc que j’y allais pour travailler et que je n’aurais pas ma chance. Mais ça m’arrangeait bien, cela me permettait d’arriver en bonnes conditions pour le mois de mars. Au Portugal, il y a une journée où j’ai dû contrôler l’échappée seul, et je pense que la façon dont j’ai roulé a marqué quelques coureurs et cela m’a mis en confiance. Je me sentais prêt pour commencer le mois de mars avec l’arrivée de belles courses que j’affectionne. »

« Il ne faut pas être pressé »

Vous avez également loupé de peu la victoire sur Kuurne-Bruxelles-Kuurne…

J’ai fait une belle course sur Kuurne-Bruxelles-Kuurne mais je me fais reprendre à 150 mètres de la ligne, je manque donc le podium pour pas grand-chose. J’avais montré aux autres et à moi-même que la forme arrivait au bon moment. »

Une semaine après, vous avez pris le départ au Strade Bianche. C’est une course vraiment à part ?

« C’était ma première participation et ce fût vraiment épique. C’était la folie à cause de la météo. Deux jours avant le départ, il y avait encore de la neige partout. Elle s’est finalement transformée en eau et sur des routes blanches, c’est devenue de la boue. Dans l’équipe, on a de gros leaders comme Greg (Van Avermaet). Tout tourne donc autour de lui, j’ai fait ce que j’avais à faire et à 40 kilomètres de l’arrivée mon travail était terminé. J’ai quitté la course mais il ne restait déjà plus grand monde (ndlr : seulement 53 coureurs termineront dans les délais). C’était une belle expérience, ça m’a rappelé mon premier Liège-Bastogne-Liège il y a deux ans. J’en garde vraiment de bons souvenirs.

Vous avez 24 ans et un palmarès encore vierge. Cela vous pèse ?

« Franchement non. Il y a de coureurs qui performent plus tard que d’autres. Cela dépend aussi de l’équipe pour laquelle tu cours. Dans des grosses formations comme chez BMC, on roule toujours pour les leaders. Ce n’est pas évident d’aller gagner lorsque tu roules pour ton leader. Il y a des coureurs de mon âge qui comptent déjà quelques victoires. Soit c’est parce que ce sont des sprinteurs, et c’est entre guillemets plus facile, ou soit ce sont des coureurs qui ont carte blanche à quasiment chaque course. Je pense tout même qu’il n’est pas plus mal d’être dans ma situation et de devoir pratiquement rouler toute l’année pour un leader puisque cela me permet de prendre de l’expérience et du coffre. »

Et le fait d’en claquer une pourrait-il faire office de déclic ?

« C’est certain, mais il ne faut pas non plus être pressé. Il y a beaucoup de courses ou je n’ai pas ma chance et je pense que pour être leader chez BMC, il faut déjà avoir un sacré palmarès. Je suis encore jeune, mes plus belles années vont arriver. Généralement, c’est entre 26 et 30 ans que t’es le plus fort. À ce moment, j’aurais déjà quelques années professionnelles derrière moi. À partir de l’année prochaine, j’aimerais tout de même voir carte blanche un peu plus souvent. »

« L’Amstel et la Ronde me font rêver »

Justement en parlant de la saison prochaine : l’avenir de BMC est encore incertain. Plusieurs équipes sont déjà venues vous solliciter ?

« Effectivement, on ne sait toujours pas si BMC continuera ou pas. On devrait être fixé dans les prochaines semaines. J’ai déjà quelques contacts et propositions mais Jim (Ochowicz, le manager de l’équipe), nous a demandé d’attendre le 1er mai avant de commencer à négocier avec d’autres équipes. »

Le fait de participer au Tour des Flandres pourrait donc jouer dans votre futur choix de carrière ?

« Avec l’Amstel, c’est la course qui me fait rêver. Oui, cela rentrera dans mes critères de choix. Quelle que soit l’équipe dans laquelle j’évolue la saison prochaine, j’espère qu’elle me permettra de participer à la Ronde. J’aimerais vraiment bien me focaliser sur cette course et sur l’Amstel. »

Dans le futur, pourrait-on envisager un retour dans une formation belge ?

« Pour la saison prochaine, on verra déjà en fonction de l’avenir de BMC. Si l’équipe me propose un nouveau contrat, je pèserai le pour et le contre en fonction de chaque offre reçue. Je ferai le choix qui me semble le meilleur. »

Vous faites partie des nombreux belges à débuter en professionnel ailleurs que dans le pays. Pourquoi ce choix de carrière ?

« J’ai été formé chez BMC au sein de leurs équipes de jeunes. Pour moi, ça coulait de source : si BMC me proposait quelque chose, il me semblait alors logique d’accepter. J’aurais peut-être été voir ailleurs si l’équipe ne m’avait pas proposé de contrat et que je me sentais capable de passer professionnel. J’ai eu une structure parfaite que cela soit au niveau de l’encadrement ou du matériel. Je dois beaucoup à BMC et ça reste une équipe qui fait rêver. J’avais d’autres propositions mais j’ai préféré aller chez BMC, je leur devais ça. Je n’ai pas vraiment cherché ailleurs non plus. »

Loïc Vliegen:
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« Philippe Gilbert est un modèle »

Venons-en à votre relation avec Philippe Gilbert. Qu’est-ce qu’il représente pour vous ?

« Philippe c’est une star du cyclisme mais c’est aussi devenu un ami. J’ai partagé de bons moments avec lui chez BMC. On était souvent en chambre ensemble, pour ne pas dire tout le temps. C’est un coureur remarquable, c’est un modèle pour moi. Et je ne dis pas ça parce qu’il vient de la même région que moi. Son palmarès donne également envie, il n’est pas donné à tout le monde. »

D’ailleurs, lors d’une sortie en duo, Philippe et vous avez été agressés en 2016. Vous vous sentez en danger sur vos routes d’entraînements ?

« On n’est pas vraiment en sécurité. Le sport que l’on a choisi se pratique sur la voie publique et il n’est pas évident d’avoir des bons rapports avec les gens pressés ou qui ont la tête ailleurs alors qu’ils sont au volant. Le cyclisme n’est pas comme les autres sports qui se pratiquent dans des salles ou stades. Malheureusement, il y a des fois où cela se passe mal. Le pire, ce sont les gens qui font exprès mais ils ne se rendent pas compte que nous sommes des usagers faibles et qu’ils mettent notre vie en danger. C’est l’un des sports les plus dangereux car on doit faire attention à tout même à l’entraînement. Il est vrai que parfois on ne devrait pas réagir mais lorsqu’on joue avec ta vie, je pense que c’est humain de réagir. »

En course aussi c’est parfois compliqué ?

« Beaucoup de gens ne respectent pas les coureurs. Ce n’est pas facile de faire changer les mentalités des gens qui courent à côté de toi. Il y a aussi ceux qui sont alcoolisés au bord de la route… Ce n’est pas toujours évident, il faut vraiment être attentif à tout. On a l’habitude puisqu’on est tous les jours sur les routes, on a donc des réflexes, on parvient à anticiper mais parfois cela ne passe pas. »

Propos recueillis par Sébastien Gobbi à Verviers

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